Retrouverons-nous le chemin de notre assiette ? Quand manger ne va plus de soi…

Notre façon de nous alimenter est en questionnement et en profonde mutation. Développement durable, produits sains, bien-être animal, besoin de transparence… s’affichent partout.  A cause du tournant industriel qui a engendré la consommation de masse, nous avons perdu le chemin de notre assiette et tentons de le retrouver. Cet éloignement de l’homme à sa nourriture entraîne beaucoup de remises en question qui rejoignent les nouveaux enjeux de notre société liés à la responsabilité environnementale, aux questions éthiques et à la santé. La nature a été pendant un temps perçue comme dangereuse mais de plus en plus de consommateurs souhaitent maintenant un retour aux sources. De nouvelles tendances alimentaires apparaissent dans cette direction. Elles bousculent le système agroalimentaire qui doit s’y adapter pour recréer de la confiance et du sens, tant au niveau de la production et de la transformation que de la distribution.

I – Une consommation alimentaire qui se réinventent

S’alimenter de façon plus durable

Avec une croissance à deux chiffres des achats de produits alimentaires biologiques depuis plusieurs années en France, il est clair que « le bio a le vent en poupe ». Plus des 2/3 des français déclarent consommer des produits bio au moins une fois par mois. Cette tendance est l’une des plus représentative car elle réunit plusieurs des attentes du consommateur : des aliments naturels, sains, produits dans une démarche respectueuse de l’environnement et sans additifs.  D’autres souhaits rejoignent ces préoccupations environnementales comme consommer des produits de saisons et locaux pour éviter les transports à fort impact carbone. Préserver les ressources naturelles (comme la pêche durable) et lutter contre le gaspillage font également entièrement partie des nouvelles préoccupations du consommateur. Les végétariens et végétaliens s’appuient aussi en partie sur la lutte de la protection environnementale pour expliquer leurs choix même si pour l’essentiel il s’agit pour eux de questions morales.

Des choix selon sa conscience

Les interrogations éthiques et notamment la question du statut de l’animal sont également en première ligne. De plus en plus de consommateurs veulent réduire voire éliminer la viande de leur repas par respect pour le bien-être animal et la lutte contre les élevages industriels ou même parce qu’ils estiment que les humains n’ont pas le droit de tuer un animal. Par conséquent, des flexitariens aux végans, la demande de produits à base de végétaux augmente. Coté éthique mais dans un tout autre genre, les consommateurs privilégient de plus en plus les achats en vente directe et le commerce équitable pour une juste rémunération des producteurs.

Les aliments du bien-être

Penser à sa santé, est la troisième grande catégorie qui émerge en ce 21ème siècle. Les consommateurs veulent une alimentation adaptée à leur corps, manger des produits sains et équilibrés. « Vache folle », pesticides, engrais, OGM, additifs en tout genre font peur. La transparence sur les produits est donc de plus en plus exigée pour retrouver la confiance en ce qu’on mange. En outre, un nombre croissant de personnes est victime d’intolérances alimentaires et doit supprimer certains produits de sa consommation. De façon plus générale, beaucoup de personnes apportent une importance capitale à leur nutrition. Ils veulent « mieux manger » et certains procèdent à des choix extrêmement précis en fonction des bienfaits qu’ils attendent des aliments.

II – Une production et une transformation qui s’adaptent  

Une production durable

Pour répondre à la demande de produits sains, de préservation des sols et de la biodiversité,  de plus en plus de producteurs  trouvent des solution pour limiter les engrais chimiques et les pesticides en se convertissant à l’agriculture raisonnée, l’agroécologie, et à l’agriculture biologique. La surface agricole en bio a doublé en 5 ans (En 2019 : 8.5%). La part d’agriculture intensive recule. Le potager revient à la mode, même en ville où des solutions de type jardins communautaires sont mises en place par les collectivités.

D’autres secteurs alimentaires s’adaptent aussi à ce principe de développement durable. Les lois européennes obligent par exemple les pêcheurs à reconstituer les stocks de poissons et à mieux cibler les espèces pêchées.

De la qualité depuis la production jusqu’à la transformation

« La qualité est devenue le critère d’achat n°1 pour 95% des français » selon une étude Veeva-Opinionway de 2018. Dans un contexte de forte méfiance, les consommateurs veulent des produits bons et sains, en qui ils ont confiance. Les producteurs et les entreprises prennent donc de plus en plus de mesures pour améliorer leurs produits en ce sens. Les labels, qui garantissent un engagement à une certaine qualité puisqu’ils fixent un cahier des charges adapté, continuent à fleurir.

En plus des modes de production des végétaux et de la nourriture des animaux plus naturels, les modes de transformation des produits réduisant les additifs s’ajustent aussi pour répondre à ces nouvelles demandes des consommateurs du « sans » et du « moins« . Aidés d’applications comme Yuka qui décryptent la composition des produits, ils réussissent à obtenir des produits répondant mieux à leurs nouveaux comportements alimentaires : moins de sel, de sucre, de gras, d’allergènes, etc.

Une demande de nouveaux produits

Avec la montée des tendances végétarienne, végane, et flexitarienne, l’élevage traditionnel souffre et décline. Beaucoup d’agriculteurs sentent même que leur activité est gravement menacée par les actions des associations de type L-214. En parallèle,  la demande en végétaux est clairement de plus en plus forte. Une grande partie des installations agricoles actuelles se font d’ailleurs en maraichage… bio évidemment ! Des alternatives à la viande sont également recherchées pour remplacer les protéines animales : concentrés de légumineuses, steaks végétaux et même des recherches sur la viande artificielle. De nouveaux secteurs apparaissent, qui risquent d’exploser, comme la production d’algues et de produits dérivés. Pour ceux qui refusent tout produit animal, les végans, des solutions sont trouvés pour mettre le végétal à toutes les sauces. Par exemple, des ferments adaptés aux « laits » végétaux pour remplacer les produits laitiers : fromages, yaourts… Même dans le vin, certains producteurs remplacent les protéines animales par de la colle végétale.

Pour en savoir plus : « Les bons filons du business végan »

III – Des répercussions sur la distribution

Des locavores équitables

De plus en plus de consommateurs privilégient les circuits courts aux dépends des supermarchés. Étant à la recherche de produits locaux, de saison, il est logique qu’ils préfèrent les circuits de proximité qui limitent les transports et par conséquent l’impact environnemental. A ceci se rajoute la volonté d’acheter davantage en direct au producteur pour mieux connaître ses produits et ses modes de production mais aussi pour lui apporter une plus juste rémunération. Les formules sont très variées. Certaines sont traditionnelles comme la vente à la ferme ou les marchés. D’autres sont plus récentes et se multiplient : AMAP, Ruche qui dit Oui, magasins de producteurs, distributeurs automatiques…

Par ailleurs, les initiatives vers la restauration collective sont également en augmentation. Beaucoup de collectivités par exemple passent des contrats avec des producteurs pour approvisionner  les cantines scolaires directement et de façon régulière. Et de plus en plus de restaurants mettent en avant les produits locaux comme gage de produits frais et de qualité.

Pour en savoir plus : les différents circuits court

Des assiettes connectées

De toutes nouvelles initiatives apparaissent grâce aux récentes technologies numériques. Le digital permet de faire se rapprocher les consommateurs et les producteurs. La vente en ligne, également appelé e-commerce, et l’organisation de drives fermiers sont deux modes de vente qui connaissent depuis peu un large essor et même une véritable explosion depuis la période de confinement Covid en 2020.

D’autres pistes…

D’autres axes de réflexion et d’action se mettent en route progressivement pour limiter les impacts négatifs liés à notre consommation alimentaire. On peut citer la lutte contre le gaspillage de nourriture ou la vente de produits en vrac.

Conclusion

Face à ces nouvelles façons de consommer, la pression sociétale entraîne de très nombreux changements dans toute la chaine agro-alimentaire. Les entreprises privées s’adaptent aux nouvelles exigences et les collectivités, la recherche, les lois, les accompagnent et les contraignent.

Les directions d’évolutions sont multiples. « Il n’y aura certainement pas un modèle unique mais une concomitance de systèmes alimentaires diversifiés » a déclaré Céline LAINEY, fondatrice du cabinet d’études ALIMAVENIR. Ainsi on peut prévoir une personnalisation de plus en plus marquée pour que les offres rencontrent tous les groupes de consommateurs pour une meilleure santé, un meilleur respect de l’environnement et selon ses croyances… mais toujours avec du plaisir. Pour que chacun « retrouve le chemin de son assiette« …

Krystal MATIAS

Ninon JOANTAUZY

Bibliographie

  • Agence Bio, Les chiffres clés, disponible sur agencebio.org : https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles
  • DARASSE Pauline, Les bons filons du business végan. Capital (en ligne), mis à jour le 23/02/2018, disponible sur : https://www.capital.fr/votre-carriere/les-bons-filons-du-business-vegan-1273774
  • JARJAILLE Isabelle et NAHAPETIAN Naïri, soutenir la pêche durable. Alternatives économiques N°11 “Manger autrement, vers une alimentation durable”. Septembre 2017. 
  • MAISON Marie, FERRANDI Jean-Marc et MUNIGLIA Lionel (journalistes), Article “Tendances des innovations dans le secteur agroalimentaire” (p17-18) dans la revue “Industries Agro-alimentaires” (IAA)  Date : Mars – Avril 2016 N°003/004 est la seule revue francophone, scientifique,  technique et multi-filières du secteur agro-industriel.
  • Renard Anne-Caroline, Dossier “Les produits et circuits alternatifs bousculent les codes” (p 10 à 17) dans la revue “RLF” 
  • Richard Sylvie ( journaliste),  dossier “Consommation, les algues ouvrent l’appétit”, la revue “RIA” Date : Juillet 2015 N°769
  • Richard Sylvie ( journaliste), Article “Ferments : de solutions pour l’univers végétal”(p 40 à 42) dans la revue “RIA” Date : Juillet/Août 2019 N°813
  • Richard Sylvie (journaliste),Dossier “Les alternatives à la viande portées par le véganisme”(p 48 à 50) dans la revue “RIA” Date : Octobre 2018 N°804
  • VINCENT Matthieu et PROUTEAU Jérémie, “Qu’est-ce que la FoodTech ?” article de présentation du blog “digitalfoodlab” est disponible sur : https://www.digitalfoodlab.com/foodtech-fr-def/

 

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